Mémoire : “Les mondes de Bottero : Un espace de fantasy entre tradition et inventivité” – Mélanie Maillard

Introduction

Nous l’avons vu dans le précédent mémoire que nous avons lu, Pierre Bottero s’inscrit dans la lignée des auteurs jeunesse des années 2000, dont il prolonge les traditions. Et parfois les renverse. D’une littérature d’évasion pour le Cycle d’Ewilan, il prend ensuite un virage avec Ellana.

Dans son mémoire, intitulé “Les mondes de Bottero : Un espace de fantasy entre tradition et inventivité”, publié en 2020, Mélanie Maillard nous livre une fine analyse des lieux et espaces du Cycle de l’Ailleurs de Pierre Bottero. Et nous montre à quel point ces espaces servent une vision échappatoire à notre monde, critiqué en creux (les dérives de la religion et de la science, de la corruption et de l’individualisme…). À lire sans modération.

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Ce genre de publication est plutôt à destination d’universitaires, de futurs chercheurs sur Pierre Bottero. Cependant, n’hésitez pas à vous plonger dedans, ce mémoire est tout à fait accessible à n’importe quel lecteur assidu, de Pierre Bottero ou de d’autres auteurs ! Dans tous les cas, cette analyse saura vous donner des clés de lecture intéressantes, de quoi pousser plus loin la lecture de l’œuvre de Pierre Bottero  et la resituer dans le cadre des enjeux de l’Imaginaire.

Droits d’auteur : Tous les droits sont réservés à l’autrice. Je remercie Mélanie de m’avoir autorisé à le publier sur le site.

Pour aller plus loin

Dans ce mémoire autour de l’œuvre de Pierre Bottero, Mélanie Maillard reprend tout d’abord l’analyse de la littérature d’évasion que le Cycle d’Ewilan représente, par sa vision comparative entre notre monde triste et désenchanté, et l’Autre Monde, où la nature est omniprésente, sauvage et pleine de vie. Mélanie Maillard ancre le Cycle d’Ewilan dans la tradition classique de la fantasy par son analyse des lieux et décors. Elle spécifie également leur importance dans le récit ; ils sont riches, et souvent personnifiés.

À l’inverse, elle montre comment certains personnages sont également traités comme des espaces, des “univers” en soi. À quel point les lieux de l’Autre Monde font écho aux territoires intérieurs et à une conquête de soi.

Le seul monde qui mérite d’être conquis est celui que délimitent les frontières de notre corps et celles de notre esprit. Jilano
Le seul monde qui mérite d’être conquis est celui que délimitent notre peau et nos pensées. Les autres existent pour être visités. Simplement visités.
Ellundril Chariakin

Et qui dit multiples lieux dit voyages et explorations, que les personnages vont traverser, quête de rencontres, et à travers elles, également d’eux-mêmes. L’Imagination elle-même, territoire d’introspection, se voit exploré sous ce prisme.
Autres territoires présentés ; les inspirations et intertextualités de Pierre Bottero, au travers de Tolkien, Roger Zelazny pour lequel Pierre Bottero doit beaucoup de ses concepts (je ne vous spoile pas !), ou encore Moorcock, Pratchett… Ou plus étonnant encore, un parallèle entre la méduse Ahmour et… Cthulhu !

Vous pourrez également découvrir dans ce mémoire une chouette digression sur la réappropriation de Pierre Bottero autour des espaces mémoriels, sa conception de la chronologie et du souvenir.

Lecture critique

Sur la forme, on notera un petit défaut de relecture qui a laissé quelques erreurs d’inattention, sur de la cartographie, sur quelques titres ou noms propres…  mais c’est ponctuel et ne gêne pas la lecture.

Si le mémoire montre avec justesse l’influence de la culture chrétienne sur l’œuvre de Pierre Bottero, et comment elle la traverse, ce n’est pas pour autant un blanc saint pour cette tradition de la fantasy à la Tolkien, qui s’en retrouve parfois pastichée. J’ai trouvé que le mémoire, bien que présentant d’autres entorses de Pierre aux codes de la fantasy, a manqué un peu de cette lecture critique.

En effet, Pierre Bottero, bien que traversé par l’imaginaire pastoral, les idées de destinées, de prophéties, d’élus, qu’il met en scène, met également à mal cet imaginaire en en détournant les codes dans Le Pacte des Marchombres.
Tout d’abord avec Ewilan, qui prend la place d’Élu qui était due à son frère Akiro. Puis, pourtant désignée par le mystique Œil d’Otolep pour sauver le monde, Ewilan se fera elle-même voler la vedette d’Élue dans Les Mondes d’Ewilan par Ellundril Chariakin. Et cette dernière n’est pas plus Élue qu’Ewilan, elle n’avait juste “jamais voyagé à dos de Dragon“.
Ensuite dans Ellana, je suis en désaccord profond sur l’interprétation de la greffe comme pouvoir divin : “La scène fait d’Ellana, à son tour, une élue à qui l’on confère un pouvoir exceptionnel normalement réservé aux marchombres qui ont le cœur le plus pur : la greffe“, qui me semble insuffisamment justifiée. En effet, d’où viennent les idées de cœur pur, d’élue dans le marchombre ? Au contraire, la greffe me semble être un reflet du marchombre et qui lui correspond pleinement ; elle n’est pas un pouvoir supplémentaire tombé du ciel, qui impliquerait une limite : “La voie des marchombres est l’harmonie. Leurs compétences ne reposent sur aucun Don tombé du ciel et ils n’ont donc aucune limite.” exprime Ellundril Chariakin dans un épigraphe des Tentacules du Mal. Nillem, qui voit justement en la greffe la consécration qu’il est bien marchombre, qu’il est bien “élu”, se la voit refusée.
Dans la même idée, bien que la prophétie contribue à l’imaginaire de la destinée, Ellana est une œuvre en rupture ; la prophétie est tournée en dérision. Puisqu’elle est en effet auto-réalisatrice : c’est parce-que Nillem et les mercenaires du Chaos font le choix de la suivre (Sayanel dans La Prophétie : “Cet enfant est bien celui dont parle la prophétie […] et, en ravissant Destan à ses parents, les fils du Chaos ont placé leur sort entre ses mains.“), qu’ils œuvrent à leur propre impasse.

Enfin, l’idée qu’Ellana mène Gwendalavir à la “révolution” me semble être excessif. Déjà parce que la victoire de l’Harmonie perpétue le système de Gwendalavir, en maintenant l’équilibre plus qu’en le brisant. L’empire, monde fantasy aux consonances féodales, et ses inégalités, restent. Ensuite parce qu’Ellana ne fait pas grand chose du tome trois si ce n’est récupérer de sa blessure et chercher son fils, elle doit sa survie à autrui ; et la victoire sur le Chaos est due au collectif, aux nombreux liens qu’elle a su tisser avant plus qu’à un élu.

Conclusion

Malgré ces quelques points qui posent question, la majorité du mémoire est empli d’excellentes interprétations autour des lieux et espaces, et foisonne également de superbes trouvailles qui raviront les lecteurs assez déterminés pour la lecture.

“En choisissant d’écrire pour la jeunesse, Bottero confronte son univers à des contraintes, qui lui imposent le paradoxe de faire du complexe de manière simple, et de faire du simple de manière complexe. De cette façon on crée plusieurs niveaux de lecture, qui permettent à chacun d’y trouver ce dont il a besoin ou ce dont il est capable de comprendre.”
Mélanie Maillard

Comme le dernier mémoire que j’ai lu, il s’agit sans contexte d’un travail d’une grande qualité qui aide à aborder les doubles lectures de l’œuvre, et nous donne matière à réflexion !
Je voudrais également remercier Mélanie pour le partage de ce travail de longue haleine dont elle peut être fière.

Bonne lecture =).

La profondeur du monde onirique dans lequel nous mène Pierre Bottero, agit de telle sorte qu’on ne distingue plus les frontières entre le réel et l’irréel, créant finalement le surréel dans la vie du lecteur.
Mélanie Maillard

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