Interview Pierre Bottero : Elbakin.net (2007)


Réalisée par : Auryn (Isabelle Driel)Pierre Bottero en Dédicace
Date : jeudi 6 décembre 2007

« Le Salon du livre de Montreuil a été l’occasion pour Elbakin.net de rencontrer Pierre Bottero en dédicace. Quelques échanges de mails plus tard, c’est une bonne interview toute chaude qui sort du four que nous vous proposons. Pour ceux qui ne connaissent pas encore l’auteur, il officie plutôt pour la jeunesse avec notamment ses deux trilogies consacrées à Ewilan. »

Une interview avec Pierre Bottero

ELBAKIN : Lors du Salon du livre de jeunesse de Montreuil, vous faisiez partie des auteurs les plus demandés, avec une file d’attente impressionnante pour vos dédicaces. Alors tout d’abord, comment vivez-vous ce succès ?
PIERRE BOTTERO : Je perçois ce « succès » différemment selon que j’en parle avec mon éditrice, ma famille, des amis, ou que je découvre sa réalité en arrivant sur un salon.
Dans le premier cas, j’éprouve un tranquille sentiment de bonheur aventureux (si, si, j’assume. Bonheur aventureux. Et tranquille en plus.)
Dans le second cas, le sentiment est plus complexe. Un mélange de « Waouh, c’est génial ! » et de « Ces gens ont dû se tromper de stand ! » Plus sérieusement, une joie intense, un sentiment de responsabilité vis à vis de mes lecteurs (ne pas les décevoir, dans mes livres et durant le bref moment de rencontre qui nous attend), et le plaisir de vivre un partage qui me gonfle à bloc d’énergie positive.
Dans tous les cas, si succès il y a, j’ai une conscience aiguë de ce que je dois à ceux qui m’ont épaulé – reconnaissance – et à ceux qui me lisent – considération ! Et j’écoute avec la plus grande attention la petite voix qui, de l’intérieur, me susurre à l’oreille : « Attention, Pierre, auteur à ego, pauvre rigolo ! »
J’ajoute que si l’âge de mes lecteurs évolue, si de plus en plus d’adultes découvrent mes histoires, mon public est avant tout constitué de jeunes. Comme n’importe qui, je dois à ces jeunes un vrai respect, que ce soit dans mes textes ou dans l’image que je leur offre de moi, un respect qui exclut facilité et démagogie. Succès et responsabilité sont intimement liés.

E : Quels sont les auteurs de fantasy (francophones ou anglo-saxons) que vous appréciez ? Quels sont ceux qui vous ont le plus influencé dans votre travail ?
PB : Copiant sans vergogne le titre d’un livre (excellent) de mon ami Christian Grenier, j’affirme : « Je suis un auteur jeunesse ». Cela signifie, notamment, que j’éprouve le plus grand respect (eh oui, encore le respect !) pour la littérature jeunesse, cette littérature qui n’a rien à envier en qualité à la littérature « vieillesse » et dont la particularité tient au fait qu’elle peut être lue par des jeunes. (ceux qui éprouvent le besoin d’insérer un « que » réducteur devant le « par des jeunes » de la phrase précédente n’ont rien compris. Ou rien lu, ce qui revient au même.)
En réponse à votre question, je mets donc un point d’honneur à citer parmi les auteurs de fantasy que j’apprécie, des auteurs « jeunesse » tels qu’Erik L’Homme, Hervé Jubert, Fabrice Colin pour les français ou Philip Pullman et Eoin Colfer pour les anglo-saxons. Ils ont en commun ce talent qui fait que leur livres sont appréciés de dix à cent ans.
Impossible toutefois de clore cette réponse sans citer les géants de la fantasy qui ont veillé sur ma jeunesse et construit l’adulte que je suis devenu, y compris et surtout dans mon écriture. À tout seigneur tout honneur, Tolkien, bien sûr, mais aussi Zelazny, Farmer, Moorcock, Vinge ou encore Howard, Le Guin et bien d’autres.

E : Les histoires d’Ellana, comparées à celles d’Ewilan, paraissent plus matures, moins légères. Est-ce une direction que vous souhaitez poursuivre dans le futur ?
PB : C’est en écrivant que l’on apprend à écrire, du moins me semble-t-il. Au fil de l’écriture de mes romans, j’ai l’impression de me trouver, de m’assumer davantage. Cette découverte est accompagnée de l’envie de partager plus encore avec mes lecteurs. Ce que je crois, ce que je crains, ce qui m’interroge… Alors oui, Le Pacte des Marchombres est plus complexe que La Quête d’Ewilan, certainement plus mature aussi, mais il s’agit davantage de l’aboutissement d’une évolution propre que d’une direction littéraire choisie. Et j’ignore quel sera le futur de mon écriture.

E : À la lecture de votre bibliographie, on note une évidente prédilection pour les trilogies (La Quête d’Ewilan, Les Mondes d’Ewilan, le Pacte des Marchombres, L’Autre). Pourquoi ce format en particulier ?
PB : Ellana, personnage principal du Pacte des Marchombres mais surtout personnage auquel je suis formidablement attaché vous répondrait : Il y a deux réponses à cette question, comme à toutes les questions. Celle du poète et celle du savant. Laquelle veux-tu en premier ? (Ellana tutoie toujours ses interlocuteurs)
La réponse du savant est qu’écrire de la fantasy, créer un monde cohérent en lui offrant une vraie dimension géographique, politique, économique exige de l’espace, des pages. Beaucoup de pages.
Le poète, lui, met en avant le choc que fut pour moi la découverte du Seigneur des Anneaux, la magie d’une plongée vertigineuse dans la Terre du Milieu, les nuits passées à arpenter les chemins de l’aventure aux côtés d’Aragorn ou Legolas et la certitude qui en a découlé : la fantasy ne peut exister sous une autre forme que la trilogie.

E : Lors du Salon de Montreuil, vous avez parlé d’avril 2008 comme date possible de la sortie du deuxième tome de la trilogie du Pacte des Marchombres. De plus, le dernier volume de la série L’Autre est désormais disponible. Pouvez-vous nous parler des projets sur lesquels vous voudriez travailler une fois les aventures d’Ellana closes ?
PB : Le deuxième tome du Pacte des Marchombres sortira en effet le 1er avril 2008 (non, ce n’est pas un poisson !) Je suis en train d’effectuer les ultimes corrections tout en rédigeant les premiers chapitres du troisième tome qui lui sortira en octobre 2008. C’est un travail exigeant qui, s’il me comble, est aussi vorace en temps et en énergie. J’évite donc de penser à l’avenir « post-Ellana » pour me consacrer entièrement au présent de ma marchombre préférée.

E : Les histoires d’Ewilan sont souvent comparées à une autre série jeunesse à succès, Tara Duncan, de Sophie Audouin-Mamikonian. Que pensez-vous de ce rapprochement ?
PB : Je rencontre régulièrement des lecteurs qui me parlent avec enthousiasme des romans de Sophie et il est indubitable que Tara Duncan connaît un joli succès. Il est tout aussi vrai que Sophie et moi sommes différents et que nos univers comme nos héroïnes ne se ressemblent pas. Il n’y a pas de concurrence en littérature jeunesse, que de la complémentarité, et c’est sa richesse que d’offrir aux lecteurs une multitude de chemins qu’ils ont le choix d’emprunter ou pas.

E : Quels conseils de professionnel pourriez-vous donner à une personne écrivant actuellement un roman de fantasy jeunesse et qui espère se voir publiée un jour ?
PB : Envie d’être honnête. Vraiment honnête. Je lis une dissonance dans cette question. Dissonance entre le « écrivant actuellement » et le rêve de publication. Envie de conseiller à cette personne de conserver toute la force de ses rêves pour l’écriture et pour l’écriture seule. Une écriture vraie, sans complaisance, une écriture qui vient des tripes, qui offre l’univers qui s’est déployé dans sa tête et son cœur, une écriture et un univers qui doivent la combler si parfaitement que tout ce qu’il adviendra ensuite ne sera que du bonus : publication, lectorat, succès…
Envie d’ajouter que les deux clefs sont, à mon humble avis, l’intégrité et le travail. Intégrité dans ce qu’elle peut avoir de plus impitoyable : est-ce que ces phrases alignées sur ma feuille correspondent vraiment à ce que j’ai envie/besoin d’écrire ? Je le dois à mes lecteurs et, surtout, je me le dois à moi ! Travail sans cesse repris sur la cohérence, le fond et la forme. Jamais abouti, toujours en mouvement.
Envie de conclure en revenant sur le mot rêve. Nos rêves n’ont de force et de valeur que si l’on se bat pour qu’ils deviennent réalité.


Sources :

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