Après La Machine, Katia Lanero Zamora nous livre Re:Start, un nouveau récit fort et poignant sur la violence de l’injonction à la beauté.
L’autrice
Katia Lanero Zamora est une autrice de l’Imaginaire, mais aussi scénariste et podcasteuse. Belge à ses heures perdues, elle est née en 1985. Elle a travaillé, entre autres, à la RTBF et pour le site Cairn.info. Si certains la connaissent pour Les Ombres d’Esver (2018), son principal succès est La Machine, duologie sortie chez ActuSF entre 2021 et 2023. Son prochain roman, très attendu, devrait sortir Aux Forges de Vulcain.
Résumé
Entre dérive sectaire et patriarcat, Re:Start est la nouvelle idylle des femmes piégées dans l’injonction à la beauté : programmes de minceur, médecine pseudo scientifique, chirurgie esthétique, IA, développement personnel… toute la recette pour un combo explosif.
Mona, empêtrée dans le village Re:Start, doit se dépatouiller avec l’emprise du collectif le jour où son amie, Calliste, rongée par la faim, vrille complètement et se met à se manger elle et ses congénères.
Couverture : Anouck Faure
Critique
Autre nouvelle de la collection RéciFs d’Argyll, Re:Start renoue avec le genre de la dystopie en lui insufflant des éléments encore peu explorés.
Dense et fluide à la fois, on sent le travail de Katia pour peaufiner les phrases, pour créer sur les lecteurs et lectrices des impacts forts et mémorables.
Re:Start c’est une envie non seulement de dénoncer les dégâts du patriarcat sur le corps et désirs des femmes, mais bien aussi de questionner le rapport de ces dernières à ceux-ci, dans un environnement où, finalement, l’homme est (presque) absent. Le programme capitaliste Re:Start, ainsi que le village des Lumineuses sont en effet interdits aux hommes, ce qui conduit naturellement à une temporalité où les hommes ne sont présents que dans les marges du récit. La novella vient donc interroger l’adhésion profonde des femmes au narratif du patriarcat, cette éducation ancrée dans les bases identitaires de chacune dès l’enfance. Une culture qui peut les mener au pire par désir autant que par la coercition et l’emprise mentale. L’occasion de plonger, le temps d’une heure, dans ce que le patriarcat, toujours soutenu par le capitalisme, peut produire comme horribles violences entre femmes.
Pour être plus précis à ce propos, si les femmes sont principales protagonistes, le récit n’en disculpe pas pour autant les hommes de leur responsabilité. C’est bien le patriarcat, un système de domination entier, d’organisation de la société, basé (entre autres) sur un regard objectivant les femmes, des violences, une autorité et des privilèges masculins, en bref, une culture entière qui profite aux hommes, qui est pointé comme responsable.
Petit clin d’œil, le nom du personnage principal est probablement une référence à l’essayiste féministe Mona Chollet, ce qui ancre évidemment le personnage dans un imaginaire particulier et donne des indices sur le rôle qu’elle jouera dans le récit…
Pour notre collectif réuni derrière le site Marchombre.Fr, qui a réalisé La Brochecte, Brochure de prévention aux dérives sectaires, emprises, relations toxiques et asymétriques, la novella résonnera sans aucun doute de manière très forte. Elle est en effet bien au fait des mécanismes en jeu dans l’emprise mentale : les biais sur lesquels se basent les mises sous sujétion, la manipulation des désirs, les failles prenant appui sur les dominations systémiques, etc. C’est un récit qui résonne également avec Zouck, de Pierre Bottero, qui traite également de l’anorexie et des injonctions à la minceur.
La fin, d’apparence positive, puisque la secte semble démantelée, recèle en réalité de quoi glacer le sang. La novella est en effet intransigeante ; les violences ne se situent pas que dans leurs manifestations extrêmes comme Re:Start, mais également dans tous ces petits désirs et comportements intégrés, qui peineront à partir même une fois sortie de l’enfer…
Pour ceux qui souhaitent creuser les sujets abordés, des ressources pratiques sont données à la fin de l’ouvrage.
RéciFs
Signe que le format novella commence à prendre dans l’édition française d’imaginaires, les éditions Argyll se mettent à leur tour, après les collections Une Heure-Lumière du Bélial’ et Eutopia de la Volte, à une collection dédiée au format court. Nommée RéciFs, la collection annonce une couleur d’emblée politique et coup de poing avec la saga Danielle Cain de Margaret Killjoy (dont notre critique arrivera bientôt) et Le Bracelet de Jade de Mu Ming. Katia Lanero Zamora fait honneur au catalogue avec son puissant Re:Start et nous avons hâte de lire Foodistan, de Ketty Steward.
En bref, une collection que l’on va suivre de près !
Références
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