Par ce livre, j’ai commencé Ursula K. Le Guin ; La Main Gauche de la Nuit, une lecture et une planète, Gheten, que je ne suis pas prêt d’oublier…
Résumé
Genly Aï est mandaté par la coordination des planètes, l’Ekumen, pour proposer à la planète Gheten l’entrée dans cette coopération galactique. Sur place, il découvre une population où la famille n’est pas le pilier du foyer, également ni hommes ni femmes, mais un peuple androgyne. Et profondément humains. Il peine à appréhender ses interlocuteurs… et c’est bien réciproque.
Baladé entre une monarchie aux relents féodaux et un État libéral, entre ceux qui le prennent pour un fou, et ceux qui croient son périple et sa bonne foi, mais veulent le manipuler ou ont peur de lui. Un vrai marasme dans lequel Genly peine à s’appuyer sur des gens de confiance pour créer un lien de partage entre les peuples.
Critique
Terremer m’avait paru un peu longuet, mais La Main Gauche de la Nuit, une fois passé les quelques descriptions d’un début de roman daté, m’a emporté d’une manière rare : une immersion totale. Cela faisait longtemps qu’une lecture ne m’avait pas autant investi émotionnellement.
Le périple de Genly Aï est parsemé d’embûches, dans une perpétuelle tension entre enjeux relationnels et politique. Aux deux tiers, l’apothéose avec la traversé du Glacier m’a achevé. La Main Gauche de la Nuit fait partie de ces romans « totaux » qui traitent de tous les aspects de la vie ; politique, relations, spiritualité, philosophie et définition de l’humanité, rapport à la nature, à soi… à la sexualité aussi.
1969, j’ai cru halluciner quand j’ai vu la date ! Une planète d’asexués et asexuels la plupart du temps, sauf durant le Kemma, où les êtres s’adaptent à leur partenaire. Paru avant les textes féministes les plus marquant des années 70, c’est précurseur. Je comprends aujourd’hui cette réputation, loin d’être usurpée, d’avant-garde.
L’aventure est vraiment à la hauteur, mais ce qui m’a le plus marqué dans ce roman, avant l’aspect politique en toile de fond, c’est la finesse relationnelle, la richesse des interactions qu’Ursula K. Le Guin développe entre ses personnages. L’univers est très riche de sociétés aux comportements et coutumes très différentes.
Par exemple, le shiftgrethor ; l’explicite, donner un avis ou un conseil sans détours est très mal vu, puisque cela revient à s’avouer faible dans l’art de la parole, mais aussi à prendre son interlocuteur pour un sot.
Parfois, à la manière d’un Orson Scott Card (Les Maîtres Chanteurs), on y trouve comme maîtres-mots la complexité et la profonde humanité. Les personnages sont loin d’être parfaits, mais tâtonnent toujours, progressent toujours, l’attachement à eux se fait petit à petit, de plus en plus fort.
J’ai rarement lu d’histoire aussi originale… seulement de pâles copies qui s’en inspirent.
Dans une littérature où beaucoup de parutions se ressemblent, où les schémas se répètent, c’est vraiment un brin d’air très bienvenue.
La Main Gauche de la Nuit est le quatrième ensemble du Cycle de l’Ekumen, mais il n’y a pas d’ordre pour lire ou commencer ce cycle. L’autrice elle-même revendique l’errance et les incohérences comme une liberté d’écriture qu’elle s’est laissés pour évoluer, changer ses images et propos. Alors foncez…
Quant à ce titre pour le moins énigmatique, laissons-lui, pour en apprécier la lecture, l’entièreté de ses mystères…
Références
Le roman
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C’est un super livre qui même des années après sa lecture (je ne savais même pas que c’était un ouvrage connu lorsque je l’ai lu) vous marque et j’y repense encore régulièrement. Merci de me l’avoir rappelé de façon inopinée !