Danielle Cain, de Margaret Killjoy, une nouvelle saga de shorts résolument politiques, sort en ce moment aux éditions Argyll ; des novellas qui ont de quoi rebattre un peu les cartes des littératures de l’Imaginaire.
L’autrice
Squatteuse et vagabonde, Margaret Killjoy est une autrice traversée par la question de la vie en collectif et l’autogestion. Au moins depuis 1982, date de sa naissance aux U.S.A. Elle est également amatrice de podcasts et de black metal, elle a fondé à ce titre le groupe Feminazgûl.
Son roman le plus connu, Un Pays de Fantômes, est un succès critique. Margaret Killjoy est traduite en France par Mathieu Prioux aux éditions Argyll.
T1 – L’Agneau égorgera le lion
Résumé
Danielle, secouée par la mort de son ami Clay, part sur ses traces pour tenter de comprendre ce qu’il a vécu pendant ses derniers mois. Ses pas la mènent à Freedom, un village presque fantôme en marge du monde devenu zone autogérée, et secoué par des évènements surnaturels troubles. Un cerf s’est invité comme nouveau justicier de la ville, tuant les auteurs et autrices de dominations graves.
Dépossédés de leur droit à se faire justice, la ville se demande quelle suite donner aux évènements…
Critique
Très chouette lecture. Pour ce premier tome, Margaret Killjoy a choisi en thématique centrale une réflexion sur les manières de faire justice. Le format novella se prête bien à une réflexion thématique, suffisamment long pour développer le propos, suffisamment court pour être très abordable et même se lire d’une traite. Le choix de faire court plutôt que de noyer le bon dans le moyen fonctionne à merveille. Également, l’instance narrative est très réussie, les pensées de Danielle Cain s’accordant parfaitement avec l’action. Si l’appareil politique et théorique est solide en arrière plan, l’action fantasy reste le cœur de la nouvelle, on ne s’ennuie jamais !
Avec quelques spoilers…
Je suis un peu sceptique de la fin : la novella donne une réponse finale de si la créature part en vrille ou non par rapport à l’énoncé de justicier initial neutre des oppresseurs. Parce qu’au final cette réponse importait peu : c’est aux êtres humains de s’autogérer de manière responsable, sans déléguer.
Parce que même si on juge que le Cerf magique fonctionnait correctement (à savoir qu’il ciblait bien les oppresseurs), la sentence n’est pas proportionnée aux torts causés : rien ou la mort. Et le procédé en soit vole toute autonomie au groupe, c’est d’ailleurs tout l’enjeu du suicide de Clay : il a imposé de fait une justice, et par là anticipe la sanction de son propre Cerf. Peu importait donc que le Cerf parte en vrille ou non. À partir de là, faire reposer l’happy ending (la scène de combat) sur cette réponse je trouve ça un peu dommage (mais c’était le cercle vicieux, si les personnages savaient, leurs choix à l’instant fatidique auraient été biaisés).
La richesse relationnelle entre les individus est l’un des points qui m’a le plus touché aussi dans la nouvelle. Des tentatives de créer du lien qui soient sains, libres, qui prennent soin des protagonistes, en défi des passés. Enfin pour être exact, ça fait partie des horizons que j’aimerais atteindre quand moi-même j’écris.
T2 – Les Morts posséderont la Terre
Résumé
Sur les routes, la petite équipe de Danielle est devenue chasseuse de paranormal officieuse. Elle s’arrête dans un petit bled perdu des USA, où les morts reviennent à la vie.
Le contrôle et la Liberté sont cette fois au centre de la nouvelle.
Critique
Je m’attendais à une histoire autour de la justice, mais la série semble prendre pour chaque opus une nouvelle thématique, et cette fois, c’est la jalousie et le contrôle qui sont au cœur du texte. Les morts reviennent à la vie selon le bon désir d’un habitant autoritaire, contrôlant, et désespéré.
Peu à peu, les relations entre cet homme et ses victimes se dévoilent dans leur horreur, tout en effectuant un parallèle troublant avec les relations que tissent ce nouveau groupe de punks chasseurs de paranormal. Jusqu’où va-t-on par amour ? Est-ce vraiment les aimer que de faire revenir ceux qui sont partis ?
Ce deuxième tome ancre vraiment une saga qui fonctionne à l’atmosphère de tension, page-turner, au bord du genre horrifique. Frissons garantis autour du cimetière de Pendleton.
Conclusion, RéciFs
Signe que le format novella commence à prendre dans l’édition française d’imaginaires, les éditions Argyll se mettent à leur tour, après les collections Une Heure-Lumière du Bélial’ et Eutopia de la Volte, à une collection dédiée au format court. Nommée RéciFs, la collection annonce une couleur d’emblée politique et coup de poing avec la saga Danielle Cain de Margaret Killjoy et Le Bracelet de Jade de Mu Ming au catalogue. On y retrouvera également Katia Lanero-Zamora avec le puissant Re:Start et Ketty Steward. Une collection que l’on va suivre de près !
Source & Références
| Danielle Cain, Margaret Killjoy |
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| T1 : L’Agneau égorgera le lion | T2 : Les Morts posséderont la Terre |
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| Couvertures : Anouk Faure | |