La BROCHECTE – Sur les dérives sectaires (V2)


La Brochure sur les Dérives Sectaires V2.1


SOMMAIRE :


 


I – INFORMATIONS

A – Préambule :

1 – Pourquoi ce texte ? (Les risques, comment ça se concrétise)

Pour ceux qui débarquent, cette brochure fait suite à un podcast écouté par plusieurs d’entre nous (le podcast “Dérives”), qui certes montre un exemple extrême, mais qui a le mérite de montrer les enjeux généraux, que personne n’est à l’abri, et de présenter quelques mécanismes courants. Nous avons prolongé avec un second Podcast, “Shocking #23 : Yoga, super-pouvoirs et sectes sexuelles” qui rentre plus en profondeur dans les mécanismes d’adhésion aux croyances sectaires.

Autour du marchombre (notre communauté littéraire en ligne et IRL), ou encore dans certains milieux militants que nous côtoyons, il nous paraît évident qu’il existe des objectifs de développement personnel. Ce dernier est un territoire d’attentes intellectuelles, de santé, émotionnelles, psychologiques très fortes, liées à des besoins de sens, de recherche du meilleur et de définition de soi. C’est donc un territoire particulièrement risqué, où nombre de croyances problématiques peuvent se nicher. Un territoire favorable aux emprises, dérives et abus sectaires.
On souhaite assainir au maximum les espaces et les relations. L’idée étant que, si des mécanismes malsains apparaissent dans nos communautés, on puisse au maximum les repérer et les prévenir. Appliquer les protocoles critiques aux concepts, et aux groupes côtoyés est nécessaire.

2 – Ambition

Ce texte n’a aucune prétention scientifique, ni prétention de prendre en charge les problèmes sectaires (même si on aimerait aller en ce sens). C’est un texte amateur construit autour de lectures sur le sujet, à destination de personnes se questionnant autour de la complexité relationnelle, des relations toxiques et de personnes dont des proches peuvent être touchés par des dérives. C’est une invitation à creuser le sujet, et à vous poser des questions sur les espaces que vous côtoyez au quotidien.

(Nous avons voulu ce texte très condensé, il l’est ! Cependant, si un questionnement urgent vous tracasse, utilisez les propositions de questions du II-B.)

Ce texte est une “Version 2.1“, et est amené à être amélioré, n’hésitez pas à commenter, ou à vous le réapproprier en en modifiant directement une copie !

B – Informations :

1 – Une secte c’est quoi ? (Defs, explication des problèmes de ces définitions)

Si l’on prend la définition du CNRTL (https://www.cnrtl.fr/definition/secte), un organisme linguistique français généralement fiable sur les usages sémantiques des mots dans le quotidien en France métropolitaine, l’ensemble formé par cette définition est très vaste, on ne sait exactement de quoi on parle, les critères sont très flous, le terme n’a pas toujours une connotation péjorative par exemple.
On en déduit donc que la définition courante est peu utiles aux problèmes qui nous intéressent. Un autre angle d’attaque est celui des emprises et dépendances. Nous aborderons ensuite l’angle du droit.

Emprises et dépendances sont des outils et symptomes systémiques des dérives sectaires, mais leur existence seule dans des relations interpersonnelles ne signifie pas une dérive.

2 – Quelles sont les emprises possibles ?

Définition de l’emprise :
  • CNRTL : « II-A.− Ascendant intellectuel ou moral exercé par quelqu’un ou quelque chose sur un individu. Avoir de l’emprise sur quelqu’un. »
  • Définition Wikitionnaire : (Néologisme) Domination, manipulation exercée par une personne ou une organisation qui a pour résultat de s’emparer de l’esprit, faisant perdre tout sens critique et toute volonté propre, dans le but de faire dire certaines choses ou de faire exécuter certaines actions jusqu’au péril de la vie, propre à servir la cause du manipulateur.

Pour qualifier l’emprise mentale, le droit, la Miviludes (organisme gouvernemental de prévention contre les sectes) ainsi que l’UNADFI (asso de soutien aux victimes de sectes) s’appuient sur dix critères :

Cinq doivent être retrouvés pour porter le diagnostic d’emprise mentale :1
  1. Rupture avec les modalités antérieures des comportements, des conduites, des jugements, des valeurs, des sociabilités individuelles, familiales et collectives.
  2. Occultation des repères antérieurs et rupture dans la cohérence avec la vie antérieure.
  3. Acceptation par une personne que sa personnalité, sa vie affective, cognitive, relationnelle, morale et sociale soient modelées par les suggestions, les injonctions, les ordres, les idées, les concepts, les valeurs, les doctrines imposés par un tiers ou une institution : ceci conduisant à une délégation générale et permanente à un modèle imposé.
  4. Adhésion et allégeance inconditionnelle, affective, comportementale, intellectuelle, morale et sociale à une personne ou à un groupe ou à une institution, ceci conduisant à :
    une loyauté exigeante et complète,
    une obéissance absolue,
    une crainte et une acceptation des sanctions,
    une impossibilité de croire possible de revenir à un mode de vie antérieur, ou de choisir d’autres alternatives étant donné la certitude imposée que le nouveau mode de vie est le seul légitime.
  5. Une mise à disposition complète, progressive et extensive de sa vie à une personne ou à une institution.
  6. Une sensibilité accrue dans le temps, aux idées, aux concepts, aux prescriptions, aux injonctions et ordres, à un « corpus doctrinal », avec éventuellement une mise au service de ceux-ci dans une démarche prosélyte.
  7. Dépossession des compétences d’une personne avec anesthésie affective, altération du jugement, perte des repères, des valeurs et du sens critique.
  8. Altération de la liberté de choix.
  9. Imperméabilité aux avis, attitudes, valeurs de l’environnement avec impossibilité de se remettre en cause et de promouvoir un changement.
  10. Induction et réalisation d’actes gravement préjudiciables à la personne, actes qui antérieurement ne faisaient pas partie de la vie du sujet. Ces actes ne sont plus perçus comme dommageables ou contraires aux valeurs et aux modes de vie habituellement admis dans notre société.

[1] Parquet : Professeur de psychiatrie, membre du conseil d’orientation de la Miviludes.

UNADFI : https://www.unadfi.org/

2 BIS – Les Dépendances

!!! La sous-partie suivante (2Bis) ne nous satisfait pas, insuffisamment sourcée, et est donc provisoire !!!

Les emprises semblent prendre corps grâce à des dépendances bien tangibles, qui caractérisent les asymétries de fait d’une relation. Une dépendance est une perte d’autonomie. Elle se traduit par le fait de se retrouver dans une insécurité forte à l’idée et au fait de perdre une relation – à une personne, institution ou groupe – qui comble un ensemble important de besoins. On subit une pression à ne pas rompre cette relation par ce seul fait.

  •         Dépendance affective  (besoins d’affections, câlins, d’amour etc…)   
  •         Dépendance intellectuelle  (besoins de réflexions, source de savoir, croyance, acquis)
  •         Dépendance psychologique (l’équilibre mental est sans cesse remis à une entité extérieure)
  •         Dépendance matérielle (besoins argent, logement…)        
  •         Dépendance juridique (Tutorat, parents, mariage… )
  •         Dépendance sociale (Le besoin excessif d’être reconnu, d’être inséré dans un milieu.)

 Ces dépendances ne sont pas forcément problématiques : par exemple dans le cadre d’interdépendances choisies, où elles peuvent être le résultat de choix éclairés et où il n’y a pas d’ascendant. Elles restent cependant des indicateurs, notamment quand la dépendance a lieu envers un groupe ou système d’aliénation et de croyances.

3 – Que dit le droit sur les sectes ?

Sans être légaliste (adhérer à la loi/s’y assujettir), étudier la position de la loi française par rapport à un phénomène peut être instructif.
Article source : https://www.derives-sectes.gouv.fr/quest-ce-quune-d%C3%A9rive-sectaire/que-dit-la-loi/le-dispositif-juridique-fran%C3%A7ais .

Le droit ne définit pas les “sectes”, pas plus qu’il ne définit les “religions”, cette non-définition est assumée, et est justifiée au nom de la liberté de croyances et des principes de laïcité. En revanche, est définie la dérive sectaire, et sont posés quelques critères.

La dérive sectaire : “Il s’agit d’un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes, à l’ordre public, aux lois ou aux règlements. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.

Les critères proposés par le droit sont ceux-ci :

  • la déstabilisation mentale,
  • le caractère exorbitant des exigences financières,
  • la rupture avec l’environnement d’origine,
  • l’existence d’atteintes à l’intégrité physique,
  • l’embrigadement des enfants,
  • le discours antisocial,
  • les troubles à l’ordre public,
  • l’importance des démêlés judiciaires,
  • l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels,
  • les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

Un seul critère ne suffit pas pour établir l’existence d’une dérive sectaire et tous les critères n’ont pas la même valeur. Le premier critère (déstabilisation mentale) est toutefois toujours présent dans les cas de dérives sectaires.
Ces critères sont décidés remplis ou non par les juges en fonction des dossiers.

La Miviludes : https://www.derives-sectes.gouv.fr/ ,
https://www.cipdr.gouv.fr/wp-content/uploads/2021/04/Fiche-synthese-derives-sectaires-pref.pdf .

De notre analyse / jugement personnel, le droit est particulièrement permissif ; il ne discrimine que les cas les plus “graves” de dérives sectaires. En d’autres mots, il n’y aurait dérive sectaire que lors de la présence d’infractions à la loi. De plus, le droit part de présupposés discutables : l’existence du libre-arbitre, qui serait “volé”. Enfin, selon les cinq (ou plus) critères choisis, on peut tomber à côté de la plaque, (voire, avec un brin de mauvaise foi, carrément s’en servir pour accabler des collectifs qui n’ont rien de sectaire). C’est pourquoi bien qu’utile dans la compréhension des concepts, bien qu’utile pour remettre en perspective la gravité des problèmes de certains groupes, le cadrage du droit semble imparfait, et relativement inutile au quotidien.


II – S’EN PRÉVENIR

A – Bases de l’esprit critique / biais.

Avant d’en venir aux questions “sectes“, quelques bases de l’esprit critique. En effet, les erreurs mentales nous sont omniprésentes, et se servir des biais est une base de la manipulation.
Bien avant de se montrer dans le spectaculaire, l’aliénation ou l’atteinte physique, les dérives sectaires se nichent au cœur du quotidien et se servent des petites failles de raisonnement qui sont leurs pieds dans la porte.

1 – Liste de biais cognitifs

Dans les ressources (II-A-4), vous trouverez une liste beaucoup plus complète des biais cognitifs, avec des détails supplémentaires sur chacun d’eux. Nous ne mettons ici qu’une sélection de biais qui nous semblent particulièrement en lien avec le sujet.
En rouge, ceux qui nous semblent les plus importants, qui forment une base à maîtriser.
  • Effet de primauté — mieux se souvenir des premiers éléments d’une liste mémorisée. 😛

BIAIS DE JUGEMENT

  • Biais d’ancrage – influence laissée par la première impression.
  • Biais d’engagement – tendance à poursuivre l’action engagée malgré la confrontation à des résultats de plus en plus négatifs.
  • Biais de confirmation tendance à valider ses opinions auprès des instances qui les confirment, et à rejeter d’emblée les instances qui les réfutent.
  • Effet de halo – une perception sélective d’informations allant dans le sens d’une première impression que l’on cherche à confirmer.
  • Effet de simple exposition – avoir préalablement été exposé à quelqu’un ou à une situation le/la rend plus positif/positive.
  • Biais de cécité attentionnelle être concentré sur un élément et ne pas percevoir le reste. 
  • Biais de publication : Biais général de la science qui fait que les études dont les résultats tendent à prouver l’existence de quelque chose sont plus publiées et mise en avant que ceux qui n’ont pas de résultats positifs (et qui pourraient être contradictoires des premières…). Lié au Biais d’étude : le fait que la science n’est pas hors contexte, elle subit des biais sociaux et politique et n’est pas neutre.
    Le biais de congruence : L’une des variantes du biais de confirmation et du biais d’étude, il se traduit par la tendance à tester différentes hypothèses à travers des tests directs sans tester, évaluer ou rechercher des hypothèses alternatives. 
    Les biais de la sciences sont particulièrement vicieux car le testeur n’est pas dans un refus frontal de la preuve scientifique. Par ailleurs les discours sectaires utilisent ces biais (fondés) pour justifier des propos anti-sciences (critique largement surdosée).
  • Effet Ikea – tendance pour les consommateurs à accorder une valeur supérieure aux produits qu’ils ont partiellement créés.
    [NDA : J’imagine que c’est aussi valable pour la création d’une communauté dans laquelle on investit…]
  • Erreur fondamentale d’attribution (ou biais d’internalité) – un biais psychologique qui consiste à accorder une importance disproportionnée aux caractéristiques internes d’un agent (caractère, intentions, émotions, connaissances, opinions) au détriment des facteurs externes et situationnels (faits) dans l’analyse du comportement ou du discours d’une personne dans une situation donnée. A l’inverse, ce biais nous incite à considérer les facteurs externes et situationnels parfois de manière disproportionnée par rapport aux caractéristiques internes quand nous sommes à l’origine de la situation. 
  • Biais de Naturalisation – tendance à allouer un fait à une raison biologique plutôt que sociale.
  • Sophisme génétique – tendance à juger le contenu en fonction du contenant, le message en fonction du messager, le fond suivant la forme.

BIAIS DE RAISONNEMENT

  • Biais de confirmation d’hypothèse – préférer les éléments qui confirment plutôt que ceux qui infirment une hypothèse.
  • Biais du survivant se focaliser sur les éléments ayant passé avec succès un processus de sélection pour en tirer des conclusions sur la totalité des éléments. 
  • Réduction de la dissonance cognitive – réinterpréter une situation pour éliminer les contradictions.
  • Coût irrécupérable – Se sentir obligé de continuer dans une direction à cause des coûts/efforts déjà engagés.

BIAIS DE PERSONNALITÉ

Effet Barnum
Effet Barnum de l’effet barnum…
  • Biais d’optimisme — ll s’agit d’une croyance individuelle qui est que le sujet se juge moins exposé à la plupart des risques qu’autrui.
  • Effet Barnum — accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à soi-même (ex. : horoscope, MBTI, 16 personnality.com…. Ellana…).

N’hésitez pas à fouiller plus amplement les autres biais…

 

2 – Outils critiques utiles

  • Rasoir d’Ockham – les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées. Principe d’économie / parcimonie.
  • Théière de Russell – Une analogie évoquée pour contester l’idée que c’est au sceptique de réfuter les bases « invérifiables » (de la religion/croyance), et pour affirmer que c’est plutôt au croyant de les prouver.

3 – Principaux arguments fallacieux

  • Mille-feuille argumentatif – la dispersion des sujets et des questionnements impliqués.
  • L’épouvantail rhétorique / homme de paille – critiquer une position présupposée/prêtée.
  • Argument d’autorité – consiste à invoquer une autorité lors d’une argumentation, en accordant de la valeur à un propos en fonction de son origine plutôt que de son contenu.
  • Argument ad hominem consiste à confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes, sans répondre sur le fond.
  • Argument du silence – il s’appuie sur le fait qu’un élément n’est pas mentionné pour démontrer son absence. Or, absence de preuves et preuves de l’absence ne sont pas des équivalents.

3 Bis – Petit rappel des principales techniques de manipulation :

  • Le pied dans la porte (Première demande peu coûteuse suivie d’une deuxième, que l’on sera plus encline à accepter)         
  • La preuve sociale (Incitation à rejoindre la ‘’majorité’’) ou l’inverse, la réactance.
  • L’amorçage (Premier temps d’engagement avantageux pour la victime pour l’attirer sur un deuxième) et
    Le Leurre (Après coup, ce premier temps se révèle n’être même pas avantageux)         
  • Fable de la Grenouille (Un changement effectué de manière progressive fera naître moins de révolte que le même changement effectué de manière immédiate)
  • La soumission librement consentie (Convaincre la victime qu’elle est libre de ses actions tout en la persuadant de faire certains choix plutôt que d’autres.)
  • La réciprocité :
    (C’est le principe social selon lequel celui qui donne, se met en quelque sorte en situation de  créancier” visà-vis de l’autre et peut espérer pouvoir demander un service ultérieurement.)
  • Lovebombing : technique qui consiste à débarquer dans la vie d’une personne, et à chercher à combler tous ses besoins affectifs et émotionnels, dans le but d’installer une relation de confiance et une dépendance.
  • Le Gaslighting : Le gaslighting se réfère à une forme d’abus psychologique où quelqu’un remet en question la santé mentale, mémoire [et/] ou réalité d’une personne. La manipulation prend plusieurs formes :
    • Doute forcé : Remise en question volontaire des faits / de la mémoire de l’autre pour les ré-écrire.
    • Banalisation : Dévalorisation de la personne et minimisation des ressentis. Des stéréotypes (genrés par ex) peuvent être utilisés pour y parvenir.
    • Diversion : C’est quand une personne va changer de sujet, ou prétendre ne pas comprendre et questionner la crédibilité de son interlocuteur. Cela peut aussi passer par de la rétention d’informations.
    • Le déni : Cette forme de gaslighting implique d’oublier commodément qu’il se passe [ou s’est passé] quelque chose ou des détails cruciaux qui montre la responsabilité du manipulateur.
    • Le Discredit : le manipulateur va dire que son interlocuteur.trice es fol.le ou à quel point ce.tte dernier.e es un.e menteur.euse pour lae mettre de côté

CF : Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens – Robert-Vincent Joule et Jean-Léon Beauvois, PUG (Plus d’infos dans le schéma en ressources)

4 – Ressources

Aiguiser son esprit critique est un travail de longue haleine… cependant quelques ressources peuvent permettre de faire des bonds en avant rapides !

  • Horizon Gull : https://www.hacking-social.com/sommaire-par-sujets/         / et sa chaîne YouTube
    Vou
    s trouverez sur le site et la chaîne d’HG nombre de dossiers traitant de la pression sociale, des biais cognitifs, mais aussi des manières de “hacker” nos fonctionnements problématiques. De comment résister individuellement au marketing le plus dégueulasse à plus ambitieux : hacker la société purement et simplement.

V2 : Tronche en Biais, Science4All, Conspiracy-Watch, ces références ont été retirées car promouvant des théories complotistes, des positions politiques problématiques, révisionnistes ou directement impliquées dans dans la propagande d’État. Lire l’article https://www.monde-diplomatique.fr/mav/179/MONVOISIN/63557 pour en apprendre plus sur les failles de la Zététique.


B – Comment reconnaître les dérives sectaires (Le peut-on ? Posons-nous des questions)

Un petit article (https://www.leravi.org/journal/article-sectes-indeterminees/) m’a mis la puce à l’oreille pour un nouvel aspect que je n’avais pas encore traité dans cette brochure : le renouvellement et l’adaptation des structures sectaires ces dix dernières années : les structures hiérarchiques pyramidales et les gourous tendent à disparaître au profit d’organisations en rhizomes, parfois sans aucun lien juridique. Vous pouvez jeter tous les clichés et a priori sur les sectes, celles-ci sont mouvantes et résilientes pour survivre face à leurs détracteurs : la secte n’a plus de structure type ni d’adepte type. Une secte peu tout autant refuser le système capitaliste, le critiquer et s’en penser en-dehors, que d’en être son émanation la plus représentative pour toucher les entreprises, la start-up nation. Il n’y a pas d’un côté les groupes rationnels et de l’autre ceux qui la refusent. La dérive commence souvent par se nicher dans les croyances de petits groupes affinitaires qui prennent peu à peu de l’ampleur.

Comme nous l’avons vu, la définition de “secte” pose problème, par son absence de critères précis, identifiables. De plus, toutes les situations ne sont pas extrêmes, et donc ne sont pas faciles à reconnaître, cela ne les empêche pas d’être problématiques. La liste de questions ici donc vise donc plus à “mettre la puce à l’oreille”, elle est totalement juste indicative. Ces questions ne sont ni exhaustives, ni conditionnelles, ni unicausales, et probablement insuffisantes.

Prenez un bout de papier et un crayon
Libre à vous d’y revenir changer des réponses, d’en discuter ou de le brûler plus tard. 😉

DÉRIVES / QUESTIONSCAHIER PRATIQUE

  1. Y a-t-il une prescription de comportements ?
  1. Suis-je manipulé ? (Est-ce que je me sens floué ?) Est-ce que quelqu’un d’autre l’est ?
  1. Quel est le but final du groupe ? Les étapes et objectifs sont-ils clairs ? Pourquoi ?
  1. Qu’est-ce qui est caché ? Transparent ? Pourquoi ?
  1. Quelle est la hiérarchie ? Où pose-t-elle problème ?
  1. Y a-t-il un contrôle relationnel ? Un isolement ?
  1. Les personnes se définissent-elles par ça ?
  1. Est-ce facile de rentrer, difficile de sortir ? (Pourquoi ?)
  1. Quelles sont les emprises rencontrées ?
  1. Est-ce que je perds de ma personnalité au contact de la personne / groupe ?
  1. Quelles sont les libertés enlevées ? Pourquoi ? Est-ce légitime ?
  1. Existe-t-il des fondements/piliers philosophiques au groupe ? Quels sont-ils ?
  1. Est-ce que l’on prend du temps avant de prendre une décision/faire une action ?
  1. Est-ce que mon interlocuteur/groupe a intérêt à ce que j’agisse d’une façon ou d’une autre ?
  1. Est-ce qu’on essaye de me vendre quelque chose ?
  1. Est-ce qu’on essaye d’avoir mon approbation sur un sujet ?
  1. Est-ce qu’on essaye d’obtenir un engagement de ma part ?         
  1. Quelles sont les croyances du groupe ?
  1. Existe-t-il des paliers, épreuves, expériences nécessaires pour avancer dans la structure ? Des rites initiatiques ? / (explicites et/ou implicites).
  1. Est-ce qu’il y a de l’argent en jeu ? Que paye-t-on ? / → Vous fait-on crédit en attente que vous ayez les moyens de rembourser ? (si oui, il est tant de fuir x) ).
  1. Comment le groupe recrute-t-il ?
  1. V2 –  Est-ce une personne (ou un nombre réduit) qui a toutes les compétences ? 
  1. V2 –  Il n’y a pas de profils types de victimes, cependant : le groupe attire-t-il particulièrement des personnes ‘’fragiles’’, traumatisées, en besoins émotionnels, intellectuels ? En quête de sens ? 
  1. V2 –  Est-il proposé dans le groupe des « voyages initiatiques » ou « retraites à l’étranger » ?
    Est-ce motivé par un « retour aux sources / à la nature » ou à l’inverse pour « booster les performances » ?
  1. Est-ce que l’on respecte mes limites ?
  1. Quelle confiance je donne ? Quelles sont ses limites ? Quelle confiance je reçois ?
  1. Est-ce qu’on me demande de rompre avec mon passé ?
    (Occultation des repères antérieurs et rupture dans la cohérence avec la vie antérieure ?)
  1. V2 –  Sentez-vous qu’un décalage s’est créé naturellement avec votre entourage habituel ?
    → Vos aspirations vous éloignent-elles d’eux progressivement ? (Rigidité relationnelle)
  1. Est-ce que l’on tend à être plus rigide sur les opinions / positions ?
  1. Comment réagissez-vous lorsque l’on critique votre groupe ?
  1. V2 –  Est-ce que vous relativisez les problèmes connus du groupe ?
  1. Le mode de vie véhiculé par la personne/le groupe paraît-il plus légitime que les autres ?
  1. Comment est géré le regard des autres dans le groupe ? Y a-t-il une pression sociale ?
  1. V2 –  Pour éviter les dissonances cognitives, choisissez-vous les croyances / pratiques / faits qui vous conviennent ? (Cherry Picking)
    (Le groupe fait-il lui-même de même vis-à-vis de groupes proches ?)
  1. V2 –  Quels sont les arguments d’autorités qui légitiment le groupe/les croyances ? Qu’invoque-t-on en justification ? Ces sources sont-elles biaisées ?
  1. V2 –  Y a-t-il des gens délaissés, moins gagnants dans le groupe ? Voire rejetées ? Des gens qui ont quitté ? Êtes-vous allés demander leurs versions ?
  1. V2 –  Quand il y a transmission de savoirs, de compétences, de pratiques, est-ce une fin, ou un moyen ? Pourquoi y a-t-il transmission ? Quelle fin ? Moyen de quoi ?
  1. V2 –  Y a-t-il incitation à faire une promesse ? Un quelconque engagement ?
    (Adhésion à des valeurs ou autorités par avance)
  1. V2 –  Le groupe se défend-il d’être une secte ? En plaisante-t-il ?
  1. V2.1 – Est-ce que le groupe dit qu’il y a des dérives sectaires partout ? Que tout est une secte (lissage / relativisation des dérives sectaires, des emprises qu’elle génère, manque de spectre.
  1. V2 –  Comment sont gérés les moments de questionnements/remise en question des pratiques/croyances d’un individus par le groupe ? (violence, rejet, récupération…) / Ces questionnements sont-ils intégrés à la croyance pour la légitimer ?
    (EX : « C’est normal de douter, tout le monde est passé par là, mais tu verras,  c’est XXX qui fait ça, ça passera »)
  1. V2 –  Vous présente-on des obstacles d’une manière normale, en vous disant qu’il faudra vous dépasser pour les franchir ; et que pour se faire, il faut accepter des choses que vous n’accepteriez pas en temps normal ?
  1. V2 –  Ya-t-il des critiques/rumeurs négatives du groupe ? Quelles sont-elles ? Comment le groupe les gère-t-elles ?
    (En parlant explicitement de ces critiques dès le début, les sectes peuvent les désamorcer dès le début en donnant leurs versions, et elles passeront même pour honnêtes/transparentes !) 
  1. V2 –  En cas de désaccords profonds, les questions sont-elles balayées par relativisme : « chacun son avis » ? (… et la science au placard)
  1. V2 –  Avez-vous déjà un argumentaire béton pour répondre à toutes ces questions ? Le groupe partage-t-il des ressources du type de cette brochure ?
    (En s’assumant territoire risqué, les sectes peuvent désamorcer l’esprit critique, et proposer des réponses toutes prêtes à ces questions ! Et vous faire donc sentir protégé)

Attardez-vous… Chaque question est une vaste réflexion… Posez-les pleinement par écrit pour les communautés/groupes/relations qui vous tiennent à cœur !

C – Quelques réflexes utiles

Tous les champs de l’activité humaine sont concernés par les emprises et dérives sectaires, cependant, quelques milieux sont plus à risques que d’autres : l’éducation, le coaching, l’entreprise, les formations, Internet, les ONG/L’Humanitaire, la religion, la Santé/Bien-Être, le sport, et le petit dernier, les théories du complot.

  • Veille épistémique & épistémologique
    → Avoir une veille scientifique rigoureuse sur les thématiques des croyances qui touchent le groupe.
    → Avoir une veille critique sur les connaissances (scientifiques ou non, savoir-faire, pratiques…) partagées dans le groupe, déterminer leur niveau de fiabilité.
    → Corrélation n’est pas causalité. Gardez-vous des réponses binaires, simples ou définitives.

  • Transparence
    Dans les communautés que vous côtoyez, demandez de la transparence sur les décisions. Posez publiquement les objectifs finaux.
    Poser les objectifs n’est pas se dédouaner de ces derniers !

  •  Veille collective
    → Posez des temps collectifs pour discuter des possibles dérives. Ces temps sont d’autant plus nécessaires lorsqu’il y a rencontres/activités IRL (In Real Life).
    → Se poser les questions explicitement. Papier crayons ou clavier, une réponse écrite pour chacune des questions du II-B.
    (Suis-jemanipulé ? Y a-t-il manipulation ? Quelles sont les croyances ?… CF II-B )

  • Parler ; rendre explicite :
    Une grande part de la communication est implicite, langage corporel, entre les lignes… Vous n’êtes pas forcément autant sur la même ligne que vous le croyez. N’avez finalement pas forcément les mêmes objectifs. N’hésitez pas à rendre explicites les choses. Les non-dits pèsent lourd. On désamorce nombre de bombes et dramas de la sorte, et de dérives possibles.

  • Prise en compte des consentements
    Vous pouvez poser également un antécédent d’identité : écrivez vos propres objectifs et limites (pour voir s’ils sont respectés, attaqués ou changés au fil du temps).

    Sortir de ses zones de confort, c’est bien ! On progresse ! Avoir des coups
    de pieds au cul peut aussi faire avancer ! Mais pensez toujours au consentement d’autrui (et au vôtre, aussi). Comment construisez-vous le consentement dans votre groupe/communauté/relation ?
    C’est une notion extrêmement vaste qui mérite sa brochure à elle seule, et en plus, elle existe déjà ! C’est par ici : https://infokiosques.net/lire.php?id_article=1121
    (Vous proposer des pratiques ou croyances que vous refuseriez en temps normal, sous prétexte d’un apport personnel lié au dépassement de soi est une carotte souvent utilisée par les processus sectaires.)

  • Dilution des compétences
    Vous pouvez veiller à ce que les compétences du groupe se répartissent plus équitablement pour réduire les dépendances, emprises et asymétries.

  • Exercices / JdR / Théâtre.

 


D – CRÉATION D’UNE CULTURE DE VEILLE

Si tout se passe bien dans le meilleur des mondes de l’autogestion, chacun dans la communauté prendra à bras le corps la question, se posera des questions méta-communautaires, et tombera moins facilement dans les pièges sectaires. Cependant, de mon expérience, cette situation arrive rarement d’elle-même, elle arrive suite à un drame plus ou moins grave, ou parce que quelque(s) personne(s) bien lunée(s) se casse(nt) la tête pour créer une culture de veille, c’estàdire poser la question sur la table publique, apporter des ressources, et surtout assurer la transmission : faire en sorte que chacun s’en saisisse, non seulement de la veille mais aussi du partage de celle-ci.

Vous n’êtes pas seuls ! Des organismes institutionnels participent à cette veille, qu’ils soient universitaires, associatifs (UNADFI), ou gouvernementaux (Miviludes), n’hésitez pas à vous appuyer sur les ressources qu’ils mettent à disposition.

Pour conclure, j’aimerais attirer l’attention sur deux choses :

  • Premier point. Toujours selon notre expérience personnelle, il n’y a pas d’espace safe. Seulement des espaces, qui parfois, tentent de limiter les risques, restez toujours sur vos gardes. “VIGILANCE CONSTANTE !” comme dirait Maugrey Folloeil.
  • Second point. C’est lorsque l’on pense être avertis et posséder une garde respectable qu’on la baisse. Faites attention à la déresponsabilisation des gouroux par le partage de ce genre de ressource.

Prévention des sectes


III – AGIR EN CAS DE DÉRIVE SECTAIRE AVÉRÉE

Après une recherche rapide, on s’aperçoit vite que la réponse des organismes institutionnels face à la menace sectaire est pauvre en conseils pratiques applicables dans les situations individuelles. Le but initial de cette V2 était de fournir un véritable et entier protocole d’auto-gestion en cas de dérives, mais le manque de ressources portées à notre connaissance est tel que nous nous contenterons de quelques réflexions et propositions personnelles.

A – Je constate une emprise sectaire chez un proche

1 – Évaluer la situation et premières précautions

CHERCHER

  • Enquêtez. Déterminez le niveau d’engagement de la personne. Soyez précis, quelles sont ses croyances problématiques ? Ses pratiques problématiques ? Quel est son niveau d’adhésion et d’investissement pour chacune ?
  • (Des croyances fausses n’induisent pas forcément de dérives, nous en avons tous, respectez sa liberté de croyance !)
  • Renseignez-vous sur le groupe en question. Regardez son site/forum/École pour déterminer qui ils sont. Mais surtout sur les forums de Zététique / esprit critique qui démontent les argumentaires et croyances dans le détail de ce groupe en particulier.
    Attention, la Zététique a également des dérives connues. ( https://www.monde-diplomatique.fr/mav/179/MONVOISIN/63557 )
  • Cherchez également les articles de presses et scandales qui étayent les abus sectaires du groupe. Ne rien trouver ne signifie rien, mais si vous trouvez, les articles peuvent servirs.

AGIR

  • Proposez-lui des portes de sortie arrière : des vacances, un hébergement ou un séjour ailleurs. Faites-lui côtoyer un dehors sain à ses cercles nocifs. (Clubs, asso…)
  • Restez un soutien, sans rentrer dans son jeu et en vous protégeant, évitez de l’isoler plus encore. Ne rompez jamais le lien même si elle ne vous répond pas ou refuse toute discussion, si un jour elle commence à questionner le groupe problématique, avoir un contact extérieur peut devenir sa seule porte de sortie possible.
  • Demandez l’avis de professionnels de santé (Médecins, psychologues…). Globalement, discutez-en autour de vous. La sortie du processus d’emprise mentale est longue et difficile. Il vaut mieux ne pas brusquer les choses ni se décourager.

2 – La confrontation n’est pas forcément une bonne chose !

Votre proche est-iel ouvert et consentant à une confrontation face à des arguments solides ? A l’épreuve du contenu des publications scientifiques ? À l’épreuve des articles de presse ? En êtes-vous sûrs ?
Si oui (dans les faits, pas dans le discours !) n’hésitez pas. Mais probablement que non. Respectez-là dans la mesure du possible.

Faites très attention à ne pas la braquer dans une confrontation. Évitez la stigmatisation des personnes sous emprise(s). Cela pourrait avoir l’effet inverse : dans l’impossibilité d’être compris, le proche se fermera à vous et se retrouvera plus isolé encore : et donc l’emprise s’en retrouvera renforcée et votre marge de manœuvre pour la protéger diminuée.

Vous pouvez essayer en revanche de lui exposer vos croyances propres sans l’attaquer ou les tenir pour vraies / scientifiques. Cela sera insuffisant, mais lui fera entendre que d’autres visions sont possibles, il sera hors du halo de croyances problématiques. Si un jour le doute vient de lui-même chez votre proche, votre graine lui sera peut-être utile.
Selon la situation, vous pouvez également lui proposer de garder ce bénéfice du doute, arguant l’ingérence dans sa vie privée, afin de proposer une limitation à la radicalisation.
Enfin, toujours selon la situation, vous pouvez utiliser des arguments affectifs : mettre en évidence l’opposition entre les croyances du groupe et les valeurs individuelles propres à votre proche. Créez des contradictions internes qui mènent au doute en partant des valeurs et émotions de votre proche. ( https://www.ccmm.asso.fr/rupture-de-mise-sujetion/ )

En plus de son efficacité douteuse, la confrontation est une logique interventionniste : vous l’infantiliseriez en essayant de la convaincre d’une ‘’erreur’’ ou en la réduisant uniquement à un état de victime. Même si la personne n’est plus en état de faire des choix aussi éclairés qu’auparavant, elle n’est pas forcément prête à l’entendre, et la situation ne mérite peut-être pas que vous vous attaquiez à ses croyances, qu’elle peut prendre comme une attaque personnelle, une atteinte à son identité et à ses recherches. C’est une violence qui s’ajoute à celle déjà vécue et qui peut l’amener à se réfugier plus encore dans les bras du groupe problématique, et passer de croyances à pratiques sectaires.

Au terme de la discussion, vous pourriez être convaincant en montrant la nocivité d’une dérive, mais sans régler les problèmes de fond et croyances problématiques de votre proche, elle peut passer d’une emprise/gourou/secte à une autre, en pensant s’en protéger.

3 – Intervenir

Une victime de secte n’est rarement que victime, elle est désormais un maillon du système sectaire, elle peut donc également être prosélyte de celui-ci et de ses pratiques, en toute bonne foi. Votre souci doit certes être de la protéger si possible, mais également de prévenir le risque qu’elle fasse entrer d’autres personnes mal informées dans la mécanique. Faites de la prévention autour de vous et autour du proche.

Jusqu’où doit-on respecter la personne et son consentement ? S’il y a des dangers de santé (physiques et/ou psychologiques) graves pour cette personne, vous serez face à ce choix de passer ou non outre ses décisions.

Signaler le cas à la Miviludes, à l’UNAFDI est une possibilité, vous pourrez également y trouver conseil en ce qui concerne les recours et interventions institutionnels, qui seront parfois les seuls ayant la force d’application de mesure allant à l’encontre de la personne, si elle met en danger autrui ou elle-même par ses actions. Pensez également à l’ASE pour les mineurs, et au CNAPR (Centre national d’assistance et de prévention de la radicalisation) pour la radicalisation violente. Outre la remontée d’information qui sert à recenser et participer à la lutte contre l’ensemble des dérives sectaires, les recours institutionnels ne seront ‘’efficaces’’ que dans les cas délictueux. Et par ‘’efficace’’, on entend un interventionnisme violent dans l’intimité de la personne dont l’efficacité n’est pas garantie : il peut y avoir des des mises à l’abri à court terme, mais l’arsenal sera globalement répressif et non réhabilitateur : mise sous tutelle, poursuites judiciaires si elle a mis des gens en danger ou abusé d’eux. S’il y en a, des séances Psy peuvent aider, mais si la personne n’est pas volontaire, les croyances sur le long terme peuvent s’en retrouver inchangées. Dans le cas de ‘’petites’’ dérives ou emprises, les recours institutionnels seront globalement inutiles.
De plus, l’État réduit de plus en plus les moyens institutionnels : comme le souligne cet article de Charlie Hebdo : https://charliehebdo.fr/2018/12/societe/les-sectes-des-start-up-en-pleine-expansion/ . Enfin plus la secte sera grande et vernie d’officiel, plus le risque d’entrisme et de corruption politique est grand ; comme le montre cet article (https://www.leravi.org/journal/article-une-secte-n-existe-pas-dans-le/) qui relève la présence de la gourou présidente de l’Église de la Scientologie dans la loge du président de l’Assemblée Nationale au moment d’un vote visant à renforcer la lutte contre les dérives. Dans cette même idée de limites, l’UNADFI est elle-même accusée de dérives1.

Cela dit, ces limites posées à l’intervention institutionnelle ne doivent pas vous décourager à l’employer au besoin : n’oublions pas les enjeux.

        Parmi les autres interventions possibles qui s’offrent à vous, il y a notamment l’action collective. Évitez d’agir seul. Parlez-en autour de vous, aux proches, pour prendre les meilleures décisions possibles.

1 – L’UNAFDI pourrait avoir protégé des loges maçonniques accusées de dérives, notamment par l’entrisme de membres de l’obédience maçonniques « Le Droit Humain » dans l’UNAFDI, comme Catherine Picard.


B – Je constate une dérive dans un groupe

Tout dépend du niveau de dérive du groupe. Est-il construit autour d’une dérive (croyances principales problématiques, voire intention malveillante) ou est-ce simplement un pan à la dérive ? Quelle est son échelle (groupe affinitaire, petit cercle de niche ou groupe en réseau international) ?
Face aux moyennes organisations, en dehors des recours institutionnels, votre marge d’action est faible. Mais en parler à vos proches ne sera jamais inutile.

S’il s’agit d’un début de dérive dans un petit groupe ‘’de bonne foi’’ et que votre implication personnelle a un impacte, appliquer les pistes/conseils du II-C peut aider le groupe à sortir de cette mauvaise passe :

  • Faites-vous aider pour la remise en question du groupe. Seul et mal préparé, le rapport au groupe sera désavantageux et lui offrira des possibilités de fuite du problème (voire de vous décrédibiliser face aux autres membres et de renforcer ses croyances/emprises), et vous vous épuiserez dans ce combat pour rien !
  • Rappliquer une veille épistémique et épistémologique dès que possible.
  • Poser l’ensemble des biais cognitifs qui empoisonnent la réflexion et les croyances du groupe.
  • Poser publiquement les questions du II-B et apporter des changements concrets aux réponses problématiques.
  • Transparence et explicite : poser les objectifs, réflexions et décisions en publique, abattre les niveaux de hiérarchie si possible. (Attention à ne pas invisibiliser les hiérarchies !)
  • Porter une attention particulière aux consentements de toutes les personnes, aux emprises remarquées. 
  • Exposez ces dernières en place publique pour qu’un recul critique surgisse.
  • Trouvez de l’aide avec des personnes extérieures au groupe et à ses croyances.
  • Faites prendre de la distance physique aux membres du groupe.
  • Prenez soin de vous ! Ne vous laissez pas manger.

Ce que propose le gouvernement: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F31654 .

C – Je me rends compte que je suis sous emprise

L’un des plus grands pas a été fait. Voici quelques pistes possibles pour en sortir.

  • En premiers lieux, évacuez la honte, vous n’êtes pas spécialement faible ou stupide.
  • Faites votre possible désormais, mais ne culpabilisez pas plus encore si vous avez du mal avec les points suivants, ou à sortir de l’emprise.
  • Évacuez toute la reconnaissance/admiration que vous pourriez avoir envers le groupe ou la personne à l’origine de l’emprise, ce sentiment est une des bases de la domination.
  • Il ne s’agit pas d’oublier ce qu’un groupe, une croyance, pratique ou personne nous a apporté, mais de l’empêcher de prendre une place qui n’a pas à être la sienne.
  • Vous pouvez tenter d’agir en spectateur lorsque la personne manipulant parle ou agit. Ne vous sentez plus concerné par lui. (en tant que victime, il très difficile de tenir à la fois les rôles ‘’prendre soin de soi’’ et ‘’lutte contre l’oppresseur’’, protégez-vous en premiers lieux).
  • Demandez de l’aide. N’hésitez à revenir vers des amis perdus de vus, ils seront généralement compréhensifs de votre démarche.
  • Tant que vous n’êtes pas partie prenante des démarches juridiques et institutionnelles, vos proches auront dû mal à vous aider avec les associations et les recours, pour qui le témoignage de la victime est souvent nécessaire pour toute prise de mesures.
  • Prendre ses responsabilités et être victime ne sont pas des positions incompatibles, veillez à ce qu’on ne retourne aucun fait dont vous auriez pu être coupables pour garder de l’emprise sur vous.
  • La reconnaissance de vos torts ne pourra se faire qu’une fois l’emprise évanouie.
  • Dans de nombreux cas, il est mieux de renoncer à être compris par l’agresseur pour avancer, et considérer que ce dernier n’a rien à faire des sentiments de la personne sous emprise. Probablement qu’il aura toujours plus d’arguments (fallacieux) que vous ! Ne vous sentez plus inférieur.e.
  • Osez rompre, prendre de la distance. Laissez les dévalorisations de votre personne à une petite place raisonnable de votre esprit. Respectez-vous.
  • Veillez à ce que les causalités qui ont mené à l’emprise ne soient jamais une excuse à la perpétuer, d’où qu’elles viennent.
  • Le temps de la compréhension / l’excuse / le pardon peut également venir, mais dans le temps long, après la restauration de votre liberté.
  • Apprenez à dire non, à poser vos limites. Ne répondez plus aux chantages si possible. Malgré tout, vous ne devez rien. Vous n’avez pas à vous justifier ; arrêtez de vous excuser.

La pelle de Chthulu

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