Ce matin, j’étais devant mes écrans alors que le ciel lavé par le vent endormait encore la côte dans la nuit. Les yeux malades de fatigue et l’haleine âcre de café, les guetteurs de la flotte répondaient d’une colère froide à la VHF, résultat d’une longue nuit infernale marquée par les avis de tempête. Les grésillements des appareils météorologiques parasitaient le canal d’urgence, exigeant une concentration particulièrement intense.
… the visibilty… near gale warning…
Même les oiseaux ne volaient plus, la pluie frappait la falaise à l’horizontale. L’hélicoptère ne sauvera pas les fous de la mer qui iront affronter le vent, cette fois.
… warning dangerous crossing… north-easterly wind… force 8…gust…
Mon chef de quart part fumer une clope, les mains tremblantes. Dans le froid. Parmi les alarmes qui se déclenchent au rythme des balises de détresse, j’entends les opérations se démener avec les sauveteurs et un voilier imprudent.
L’officier s’approche, son pas lourd et ses cernes cachent son histoire forgée par la folie de la mer. Les galons sur ses épaules ne sont plus rien face au déchaînement du ciel.
– Alors ?
Rien sur mes radars.
– On ne les voit plus.
Et pourtant.
Il y aura six morts, ce soir.
…
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« A l’origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le »vent-foudre ». Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu’au vivant, jusqu’à vous. Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur de vitesse. »
Alain Damasio, La Horde du Contrevent.
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Je sors pour m’aérer l’esprit, ma tête plante en espérant qu’une idée germe un jour. Le vent fait siffler mes oreilles et m’empêche de respirer.
Je me force à ouvrir les yeux.
C’est comme ça que je l’aime, la mer. Cinglée par le blaast, plongée dans l’orage qui vient chercher les courants ascendants.
Vague à l’âme vagabonde, l’appel est trop fort pour résister.
Il est de ces orages mentaux qui ne trouvent pour accalmie que l’amertume de la terre à contrer.
Pourquoi tant d’auteurs – Damasio, Bottero, tant d’autres – utilisent-ils le vent pour symboliser la liberté ? La réponse ne se trouve pas dans les mots, ni même dans la métaphore, mais sur les plateaux teintés de l’odeur d’iode ou même de la montagne, sur ces plateaux ou sur la falaise, là où le vent passe et repasse, ne laissant derrière lui que le dessin des nouveaux horizons.
Le vent est insaisissable par le langage, aussi dissimulé que les lagons. Un flux invisible qui fait vivre autant qu’il détruit. Il apporte les rumeurs et emporte la poésie, parfois pour toujours.
Un ciel d’encre
Le vent sur la mer
Rafale