L’Hypothèse du lézard, d’Alan Moore, est un roman singulier, prenant vie dans un monde sombre et cruel. À l’origine publié dans un recueil de nouvelles, L’Hypothèse du lézard est proposé par ActuSF comme roman graphique, illustré par Cindy Canévet.
L’histoire
Som-Som, jeune fille à la beauté envoûtante, est vendue par sa mère à l’étrange Maison sans Horloges, à Liavek. Celle-ci va alors devenir une prostituée réservée à l’usage des puissants et dangereux magiciens. Cependant, cela implique de se donner au Silence et de subir une intervention chirurgicale afin de perdre tout moyen de communication. Incapable de parler, elle se voit alors témoin du retour de Raura Chin. Cette dernière retrouve son amant dans la maison. S’ensuit alors une histoire entre violence et amour, cruauté et beauté.
Critique
Construction
Alan Moore signe avec L’Hypothèse du lézard une nouvelle autour des relations amoureuses. Le scénario est scindé en deux parties distinctes ; la première traitant de Som-Som, la seconde des deux acteurs, Raura Chin et son amant. Grâce à cette division, la nouvelle propose au lecteur de plonger dans l’univers des personnages afin de mieux les comprendre. Bien que classique, le scénario est mis en valeur par l’étrange atmosphère se dégageant au fil des pages, renforcée grâce aux illustrations. Enfin, L’Hypothèse du lézard se démarque notamment via un fil rouge parfois décousu, avec des ellipses surprenantes, complétant le scénario avec succès.
Des établissements comme la Maison sans Horloges représentaient au sein de ce courant des îles où échouaient les gens, rejetés par les marées du besoin et de la solitude.
Écriture
L’auteur met en place dès le début de la nouvelle un vocabulaire soutenu et recherché. De plus, de par la cruauté du récit, Alan Moore met en place une ambiance presque horrifique et dérangeante. Les descriptions de la Maison sans Horloges, entre prison, maison close et bâtiment mystique, offrent une ouverture vers une fantasy très sombre. Les personnages ne sont pas en reste, chacun ayant des caractéristiques bien marquées, oscillant entre éléments de fantasy et de fantastique. L’auteur met également en scène des dialogues décalés, cassant ainsi le rythme de la nouvelle. L’Hypothèse du lézard propose une écriture relativement morcelée, permettant de remettre en perspective les relations entre les personnages.
Illustration
L’Hypothèse du lézard, écrit par Alan Moore, est illustré par Cindy Canévet, illustratrice et graphiste. Son univers colle parfaitement à la nouvelle, grâce à son ambiance sombre et envoûtante, et les personnages transmettent à merveille les émotions retranscrites dans le texte. Sur les illustrations, une attention toute particulière est apportée aux visages et expressions faciales. Enfin, elles sont en totale adéquation avec les péripéties des personnages, soulignant avec intensité la profondeur du roman.
Conclusion
Alan Moore signe avec L’Hypothèse du lézard une nouvelle cruelle autour des relations amoureuses, tout en dépeignant la vie de Som-Som, réduite en esclave sexuelle et poupée sans paroles. Cependant, l’univers fait sens, sans apporter de violence non nécessaire. L’Hypothèse du lézard est seulement un aperçu du monde de Liavek, pouvant être lu indépendamment.
Au creux de son ventre, un sentiment plus ambigu que la peur ou l’enthousiasme commença à étendre ses vrilles. Quelque part, très loin, dans une salle blanche emplie d’une clarté qui obscurcissait tout, maîtresse Ouish détaillait la liste des conditions qui devaient être remplies avant que Som-Som puisse entamer ses nouveaux devoirs.
Références
Alan Moore, L’Hypothèse du lézard
Éditions ActuSF (ActuSF Graphic)
29/05/2020
9782376862550
19€
134 pages