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De nos jours…
Janvier 2001. Je suis marié, j’ai des enfants
et mes lectures sont devenues plus éclectiques.
J’ai tout de même découvert Dan Simmons,
David Eddings, Robert Jordan, Tad Williams et bien d’autres.
Un échange avec ma fille Brune me conduit à
lui écrire une histoire qui la met en scène
dans son collège.
L’histoire s’étoffe, je me prends
au jeu, et un texte d’une centaine de pages sort
de mon imprimante (l’ordinateur est arrivé
à la maison…). J’envoie le manuscrit
à différents éditeurs jeunesse
et, très vite, c’est le miracle. Cécile
Fourquier chez Castor Poche est intéressée,
un livre – mon premier livre – paraît,
c’est Amies à vie.
Cette parution entraîne un grand bouleversement
à la maison mais également dans mon esprit.
L’Histoire, celle qui s’est nourrie de mes
lectures depuis mon enfance, veut sortir. Je ne sais
pas encore sous quelle forme, mais elle veut sortir
et cette fois-ci je ne peux pas m’y opposer.
Les dix premières pages s’écrivent
toutes seules. L’héroïne en est Camille,
un cadeau à ma fille la plus jeune. En quelques
heures, Gwendalavir s’esquisse, Bjorn surgit,
Salim aussi et le premier Ts’lich, mais il manque
le plus important, la clef de l’histoire qui lui
donnera son âme. Je refuse de m’inquiéter.
Écrire est un plaisir et doit le rester. De plus
si l’histoire veut vraiment sortir c’est
son travail d’ouvrir la porte, pas le mien.
Deux, trois jours se passent, et une nuit la porte s’ouvre.
Je suis allongé sur mon lit mais le sommeil est
loin. J’imagine Camille devant un dragon et je
me demande comment elle peut s’en sortir face
à une bestiole pareille. Jeter un sort ? Elle
n’est pas magicienne et puis le coup de la baguette
magique commence à être connu… Lui
assener un grand coup d’épée à
travers la figure ? N’est pas Conan le barbare
qui veut… Le dragon prend du relief, je le vois
parfaitement. Il plane dans un ciel céruléen,
ses muscles roulant puissamment sous ses écailles
rouges, sa gueule s’ouvrant sur un enfer de feu
et de flammes… C’est un dessin parfait.
Un dessin ? Que fait-on quand un dessin nous gêne
? On l’efface ! En quelques coups de gomme, Camille
efface le dragon. La porte est ouverte en grand, Ewilan
sera dessinatrice !
La suite vient toute seule. Inutile de se casser la
tête à imaginer des personnages ou des
situations, ils sont là, ne demandant qu’à
faire parler d’eux. Et pour faire parler d’eux,
ils ne se gênent pas. Mon histoire sera une trilogie
(hommage inconscient au Seigneur des anneaux
?) et le premier volume, lorsqu’il est fini, compte
déjà deux cent cinquante pages. Je ne
suis pas un professionnel, mais je sais que deux cent
cinquante pages au format A4 donnent au final un livre
pour le moins épais… Qu’à
cela ne tienne, j’envoie le manuscrit à
Castor Poche. Après quelques hésitations,
le « poids » de l’ouvrage fait couler
l’affaire. L’aventure s’arrête,
du moins sa partie éditoriale, parce qu’il
m’est impossible de refermer la porte. La
Quête d’Ewilan n’est pas achevée
et je n’ai tout simplement pas la possibilité
de m’arrêter d’écrire. J’attaque
le deuxième tome.
L’aventure
Nous sommes en décembre 2001. Prenant mon courage à une main (de manière à laisser l’autre libre pour tenir le téléphone), j’appelle les éditions Rageot. Ce n’est pas un hasard, ils m’ont contacté quelques mois plus tôt, mais trop tard, pour m’annoncer qu’ils étaient intéressés par mon premier livre.
L’accueil est cordial, Caroline Westberg d’accord pour lire mon travail. J’envoie le manuscrit et j’attends, pas très serein je dois l’avouer. La Quête d’Ewilan n’est pas une histoire comme les autres, elle prend ses sources loin dans mon passé et s’est nourrie de tant de choses importantes… En janvier, Caroline Westberg m’appelle. « Ça nous plaît, m’annonce-t-elle. C’est un gros projet qui va nécessiter beaucoup de travail et nous amener à prendre des risques, mais on fonce. Préparez-vous à bosser ! »
Pour bosser, je bosse et je ne suis pas le seul. Je reçois quarante pages d’analyse de mon travail.
Chaque personnage y est suivi, chaque lieu étudié. Des incohérences sont pointées, des questions formulées. Moi qui croyais que mon histoire se suffisait, j’apprends à relire, expliciter, reprendre pour que ce qui est clair dans mon esprit le soit également dans celui de mes lecteurs. En parallèle, le deuxième tome étant achevé, j’attaque le troisième et dernier.
J’ai des contacts quasi quotidiens avec l’équipe de Rageot. Ils sont pointilleux, exigeants, mais respectueux et pas une seule fois l’histoire ne m’échappe. Nous partageons la même envie de vivre cette aventure jusqu’au bout et je me réjouis d’entendre dans la voix de mes correspondants invisibles la jubilation qui me dévore lorsque j’écris. Des contacts sont pris avec Jean-Louis Thouard pour l’illustration de la couverture et j’ai l’impression d’avoir un téléphone greffé contre l’oreille. Pour la première fois de ma vie je regrette de ne pas être parisien mais ça ne dure pas. Il faut du soleil pour écrire et, de toute façon, France Télécom a besoin de nous pour vivre…
L’ultime version du tome I est corrigée. Les dés sont jetés. La Quête d’Ewilan va paraître. Un coup de fil de Xavier Decousus de chez Rageot : « Nous avons prévu de créer un site internet pour accompagner le lancement de La Quête d’Ewilan. Pourriez-vous rédiger un texte où vous présenteriez la genèse de votre trilogie ? » Pas de problème, Xavier. « Tout a commencé il y a une trentaine d’années, en 1972 je crois… » |